Le froid... je le ressens.... Pas sur ma peau, pas dans l'atmosphère d’énergie qui m'englobe, mais en moi-même... Il s'écoule en moi aussi doucement que s'écoule le sang à l'extérieur de mon corps. Je me suis mise à trembler, à tousser, avant de sombrer dans un sommeil dans lequel je ne m'attendais pas ressortir...
Lorsque je rouvris les yeux, une couche de chaleur recouvrait mes épaules endolories. Je me souviens aussi d'un feu crépitant non loin de là. Ses ardents rayons de feu scintillaient d'une telle force que je referma mes paupières, m'engouffrant de nouveau dans une obscurité redoutée. En effet, j'étais belle et bien consciente, mais dans un endroit indéfinissable, n'étant certainement pas celui des vivants. Il faisait sombre, comme dit précédemment, et une ambiance inquiétante en émanait. Au début je marchais avec attention dans cet océan de vide dans lequel pas un seul son ne s'entend. pas même mes pas ou mes propres cris ne parvenait à mes tympans.
Alors je me croyais morte, destinée à errer en cette phase jusqu'à la fin des temps.
Pendant cette longue et rude période je me suis remise en question quant à mes actions tout au long de ma vie. Etais-je réellement prête pour parcourir les étendues de notre monde ? Visiblement non, puisque le premier soldat croisé m'avait traversé de sa lame aussi facilement que l'on boit de l'eau. Pourquoi l'avoir attaqué, dans ce cas ? Pourquoi m'en prendre à quelqu'un préparé toute sa vie à tuer par le fer, tandis que je ne connais que la froid et la glace ? C'est une idiote idée qui m'est venue à l'esprit en osant l'affronter de face. Ne suis-je pas la fille de la Grande Traitresse ? Ne devrais-je justement pas être plus fourbe que loyale ? Mon trop grand manque d'expérience dans la vie m'en a écourté l’existence. Que devait penser Mère de mon acte ? Elle devait vraisemblablement être furieuse. Moi, considérée comme sa fille, se faire laminée aussi stupidement et facilement par le moindre personnage croisé lors de mon voyage.. Si un jour je revenais parmi les vivants, je suis certaine que je finirais de nouveau auprès d'Elle, guettant les imprudents longeant les frontières invisibles du territoire de la Grande Boéthia pour les emmener dans les voiles noires de ma reine.... une activité bien ennuyeuse. Moi qui rêve de voyage, je finis dans un état de la vie qui m'est inconnu, dans lequel j'erre sans idée de quand je retrouverai la terre ferme.
Dans cette brume noirâtre il n'y avait rien que du vide. Je l'ai dit et le redis, puisque c'est une élément qui m'a profondément perturbé. J'étais piégée dans cet endroit, où le silence m'était devenu insupportable. Je pleurais en moi-même de plus en plus souvent, hurlant à la mort qu'elle vienne me chercher au lieu de me laisser plantée là. Je hurlais à en perdre la voix dans ce monde muet. Je frappais le sol, courrais jusqu'à m'évanouir, sans jamais atteindre mon objectif. Chaque seconde me rendait de plus en plus folle, de plus en plus éreintée, de plus en plus affamée, assoiffée. J'en venais à rester allongée tellement mes muscles souffraient. Le temps passé dans cette zone était impossible à déterminer, mais je sais et suis sûre que je ne pouvais pas mourir ici. De ce fait, j'étais en quelques sortes condamnée à souffrir indéfiniment. Jusqu'à ce jour...
Ce jour où j'ai rouvert les yeux, ne serait-ce qu'un instant avant de sombrer de nouveau dans le noir. C'est dans ce court instant, dans lequel j'avais retrouvé mes cinq sens, que j'ai repris espoir. Mais il me fallait me reposer...
Plus tard encore, mes paupières se rouvrirent légèrement. Ma gorge était tellement sèche que le seul mot que j'arrivais à souffler était "boire". Ce seul mot que j'ai ensuite répété maintes et maintes fois, jusqu'à ce que quelqu'un m'entende et s'approche. Le yeux mi-clos, je ne le voyais pas. Cependant j'entendais ce qu'il me disait. Il sentait une étrange odeur presque indescriptible. Le seul élément de ce parfum que j'arrivais concrètement à reconnaitre était la givreboise avec son odeur sucrée bien à elle. Ce doux et agréable parfum m'accrochait au réveil, me forçant à ne pas sombrer de nouveau dans le noir. C'était un vieil homme, je l'ai déduit de sa voix détruite par l'âge. J'entendis aussi l'effort qu'il fit pour s'asseoir sur le rebord du lit. Je n'arrivais pas à décrypter ce qu'il me disais. Ce fut comme-ci les mots allaient d'une oreille à l'autre sans passer par le cerveau.
Et je répétais ce mot inlassablement, encore et encore, jusqu'à ce que la faible et tremblante main de mon hôte vienne devant mes lèvres, un gobelet de bois à la main. Ne trouvant pas la force de me redresser, je bu de mon mieux ce qu'il me versait méticuleusement. C'était frais... c'était bon... c'était humide....
Une fois le gobelet vide, j'en redemanda à plusieurs reprises, sentant cette source d’énergie traverser mon corps, mes muscles.
Puis j’eus sommeil de nouveau et, avant de m'endormir, je me surpris à lui dire "merci".
Mer 18 Juin - 21:29